écorces d’arbres

Les jours rallongent ostensiblement et nous donnent des envies de printemps. Point de grosses neiges ni de froids polaires. L’ambiance est tantôt grise et pluvieuse, quelques flocons tombent parfois mais le plus souvent les petits matins sont froids et lumineux. Pourtant la nature, elle, ne s’y trompe pas, elle attend… C’est dans ces heures figées que les silhouettes immobiles des arbres nous apparaissent dans toute leur majesté. Débarrassés de leur enveloppante verdure, chaque branche et chaque rameau se détachent sur le ciel hivernal. A cette époque de l’année, c’est la magnificence de leurs troncs qui m’interpelle. Avec leurs superbes écorces, à chacun si singulière, ils nous racontent tous des histoires surprenantes.

Dans la forêt qui borde le jardin et sur les rives du ruisseau d’en bas, on rencontre pratiquement toutes les espèces d’arbres et d’arbustes de nos contrées. Un peu plus loin dans les tourbières, ce sont les bouleaux qui élancent leurs fins troncs vers les cieux. Par endroit, leurs fines écorces partent en lambeaux et laissent de frêles trainées grisâtres ; chaque cicatrice rendant leur aspect encore plus graphique. A les voir serrés aux milieux des joncs desséchés et des gouilles gelées, on se sent des envies de taïga et on s’imagine des voyages sibériens.

Les chênes quant à eux, sont solidement ancrés dans notre paysage montagneux. Leurs racines étalent toute leur puissance sur le sol gelé. Le tronc sert de support à une flopée de lianes de lierre qui s’agrippent solidement sur son écorce crevassée et profitent de sa vigueur pour grimper toujours plus haut.

Les aulnes du bord de l’eau ont des écorces lisses et grisâtres sur lesquelles les lichens dessinent des paysages abstraits. De larges taches blanches, parfois un peu plus grises, quelques points jaunâtres et des traces plus anciennes délavées presque rosâtres forment de véritables tableaux sur toute la hauteur des troncs.

Les sapins arborent des troncs aux reliefs tourmentés, fait de petites écailles qui se chevauchent avec des rebords cornés. Ce sont autant de points d’accroche pour le royaume des mousses qui colonisent avec bonheur cet habitat propice. Une véritable jungle miniature s’épanouit sur ces troncs râpeux avec des familles de mousses hautes et denses, séparées par des crevasses et d’autres mousses plus sèches qui forment comme de basses plaines. Ces paysages miniatures sont une oasis essentielle pour une abondante faune microscopique qui y folâtre…

Si ces écorces, ces troncs impassibles sont fascinants, le renouveau qui se prépare à l’abri de cette apparence immobile est encore plus étonnant. Des milliers de petites cellules végétales y attendent de subtils signaux pour sortir de leur dormance et faire éclater le printemps … mais ce sera une autre histoire !