Ca y est, les tristes journées d’hiver ont commencé ! Certes, elles ne manquent pas de charme mais tout en elles exhale la mélancolie des jours heureux. On a l’impression que la nature s’est retirée en elle-même; il n’y a plus de signe de vie, plus rien ne volète, ne frémit ni ne stridule. C’est le silence, un silence épais et moite encore accentué par l’épaisse couche de brouillard, qui comme un couvercle au dessus de nos têtes, absorbe tous les bruits, toutes les formes.
Les arbres, les arbustes dénudés surgissent comme des spectres des limbes brumeuses. Plus un oiseau ne s’agite de branche en branche … mais où sont-ils donc tous passés ? Envolés vers des contrées plus clémentes ? Seul le cri rauque des corneilles troue de temps en temps les nuages. Les dernières feuilles des hêtres se détachent doucement et virevoltent pour se poser sur les eaux grises de l’étang. Les herbes sèches, flétries ou parées des derniers ors laissent leurs ombres noires se refléter comme des spectres sur la surface.
Dans ce temps figé, on aperçoit des choses, des êtres qui passaient totalement inaperçus dans l’exubérance de l’été… comme les mousses qui colonisent les rochers et cailloux du bord de l’eau. Tels de minuscules jardins zen, elles s’immiscent dans les fentes minérales et forment des coussinets bien verts et rebondis.
Les bois dénudés laissent apparaître leurs ornements de lichens. Il y en a de toutes les formes et de toutes les couleurs; des gris très plats collés sur les troncs, des verts presque fluo agrippés aux branches. C’est toute une vie discrète et pourtant si raffinée qui s’invite partout, sur tous les supports possibles. J’aime leur beauté graphique et les tableaux abstraits qu’ils composent dans le jardin.