le rouge et le noir

Sur les grandes ombelles en fleur tout un petit monde s’agite : minuscules mouches noires, délicates abeilles cuivrées, punaises aussi vertes que les plantes qu’elles butinent ; toutes présentent des couleurs discrètes pour mieux se fondre dans leur environnement. Toutes, sauf … quelques individus qui arborent effrontément une livrée rouge et noire des plus voyantes !

Elles sont magnifiques, ces punaises arlequins et elles méritent bien leur nom. Quel raffinement que leur carapace où alternent des lignes rouges et noires, légèrement décalées ; l’effet géométrique est étonnant. De plus, elles s’exhibent longuement au sommet des ombelles ne semblant nullement craindre d’éventuels prédateurs. D’où leur vient cette désinvolture ?

De fait comme toutes les punaises, la punaise arlequin, pour se défendre, peut projeter sur ses agresseurs un liquide irritant et malodorant qui la rend peu appétissante. Il semblerait que ses prédateurs, essentiellement des oiseaux, se rappellent ses atours colorés et évitent ainsi de consommer cette bestiole peu ragoûtante. La punaise du chou utilise aussi cette tactique mais elle possède un habit plus pictural avec de surprenants motifs noirs sur son dos rouge.

D’autres insectes utilisent également cette stratégie de signalement visuel fort, appelée aposématisme, pour avertir les éventuels consommateurs qu’ils ne feront pas un bon repas. C’est le cas du clairon des abeilles, un petit coléoptère qui aime bien nos oignons en fleurs. De grosses bandes noir-bleuté et rouge-vif strient ses élytres poilus et sont du plus bel effet sur la blancheur de l’inflorescence. Même s’il ne projette aucune substance nauséabonde, il profite apparemment de cet effet coloré dissuasif.

Au-delà de ces stratagèmes sophistiqués, la découverte de ces minuscules bijoux colorés au détour du chemin nous démontre, une fois de plus, que le moindre recoin du jardin recèle de petits trésors témoignant de l’incroyable inventivité de la nature.

PS : comme un clin d’œil du jardin, hier alors que j’écrivais cette chronique, un superbe papillon aux ailes noires métallisées ponctuées de taches rouges s’est posé près de moi …