vies de pierre

Trois gros blocs de pierre émergent tantôt des flots, tantôt des glaces … surgissant parfois même des herbes folles quand l’eau est au plus bas. Ils structurent le bord de l’étang, offrant un poste d’observation sans pareil aux oiseaux qui chassent les libellules, aux chats somnolents qui guettent les oiseaux et à nous autres qui contemplons tout ce petit monde. Ces pierres étaient enfouies au fond de l’étang, déposées là vraisemblablement il y a des milliers d’années lors de la dernière glaciation.

A l’origine nues et glabres, depuis qu’elles sont remontées à la lumière, elles nous offrent une extraordinaire histoire de colonisation végétale. La première année, à peine perceptible, quelques taches de lichens gris se sont installées, ça et là sur la roche; de fines pellicules moussues se sont infiltrées dans les fissures et se sont lentement propagées. L’année suivante, l’étendue moussue avait non seulement gagné en surface mais aussi en diversité : il y avait là de minuscules coussins verts très denses, d’autres plus disparates, ébouriffés ; d’autres encore ressemblant à de petits sapins miniatures.

 

En général les mousses ne jouissent pas d’une grande considération, on ne fait généralement que les voir en passant et pourtant quel monde fabuleux pour qui veut bien y regarder de plus près. Ces mousses présentent des formes incroyables !

Sur nos blocs de pierre, d’année en année, elles gagnent du terrain, s’épaississent, se diversifient ; de minuscules soies rougeâtres apparaissent, les mousses fructifient. Les plus anciennes meurent, se décomposent et se transforment ainsi en un terreau fertile pour les premières graines amenées par le vent (les oiseaux ? les chats ?).

L’été dernier nous avons eu la surprise de découvrir une cousine du pissenlit s’agripper à une fissure verte puis une petite épilobe se dresser fièrement sur son tapis moussu. L’année prochaine, qui sait, peut être que la graine d’un arbre pionnier, un saule opportuniste, germera sur ces coussinets verts.

En fait, tout ce processus est un condensé miniature de la colonisation d’un milieu minéral par la végétation. C’est exactement la même chose qui se passe sur les iles nouvellement formées, sur les laves éteintes de volcans ou sur d’autres substrats vierges. Au fond du jardin, la quintessence des débuts du monde !